
Le poiré, ce champagne normand !
Je viens de trouver un poème sur le poiré et j'ai envie de le partager avec vous, amis lecteurs du roman "LE PRIX DE VERTU"
Il a été écrit en 1898 par Félix Morin (poète et abbé de Flers)
Il s'agit d'un poème plein de verve et d'humour.
Ce poème qui se chantait a été écrit à la gloire du poiré de Domfront.
Le poiré d'Avrilly
Près d'Avrilly sur la bruyère
En face des poiriers en fleurs
Un gai Normand vidait son verre
En chantant la blonde liqueur.
Ecoutez ici,
O gens d'Avrilly,
Gens de Saint Brice et de Collière
Ce qu'on chantait un beau matin
Parmi les fleurs et la bruyère
Sur les flancs du mont Margantin
J'ai beaucoup voyagé sur terre,
Disait l'chanteur l'air peu contrit,
J'ai caressé maints petits verres,
Mais je n'ai rien vu hors d'ici
Rien vu d'si blond
Rien bu d'si bon
Rien qui vous flatte et vous allume
Rien en un mot de plus taquin
Que le petit poiré qui fume
Sur les flancs du mont Margantin
Voyez, voyez comme il pétille
Dans l'orbe écumant du cristal!
On dirait c'est de l'or qui brille,
Il a comme un air triomphal
Voyez comme ca bout
Comme c'est droit en goût
Mais prenez garde, ça bat l'enclume
Et rien ne met en bel entrain
Comme le p'tit poiré qu'on hume
Sur les flancs du mont Margantin
O jus des poires, boisson superbe
Champagne attitré du Normand
Pour toi, je laisse les imberbes
Chanter la pomme au teint d'argent
Et j'dis "A nous deux,
O boisson des dieux!”
Bien sur j'en mordrai la poussière
Mais allez donc bloquer un train
Et faire machine arrière
Sur les flancs du mont Margantin
Comme aux derniers saint's quarantaines
Je sais fort bien que j'paierai ça
Par d'interminables antiennes
Et par de gros “mea culpa”
Mais not'cher pasteur
S'il a deux brins d'coeur
Et du p'tit poiré dans son sable
Me redira d'son air malin
Allons vieux frère c'est pardonnable
Sur les flancs du mont Margantin
Non vraiment c'n'était pas la peine
D'aller immerger mon souci
Dans la Garonne ou dans la Seine
Lorsque javais tout près d'ici
Du poiré comme ça,
Du poiré comme ça...
Mais un mort même saut'rait d'sa bière
Si l'on venait un beau matin
L'en réchauffer d'un petit verre
Sur les flancs du mont Margantin
O Normands, le sang d'vos veines
Est le fruit de ce cru gaulois
Il créa d'si grands capitaines
Que le monde en fut aux abois.
(Le mont Margantin est une colline située dans le triangle St Brice, Avrilly, Ceaucé où un pélerinage se rendait chaque année en l'honneur de Saint Ernier)
(bien-entendu, les Normands vont situer l'endroit...c'est tout près de Domfront)

Marie LELANDAIS en parle à plusieurs reprises dans son récit.
Dans le Domfrontais, on dit qu’un poirier : « il lui faut 100 ans pour pousser, 100 ans pour produire, 100 ans pour mourir »
Il est le symbole ancestral du Domfrontais où l’on voit à perte de vue les poiraies (des champs entiers de poiriers) plantées autour des corps de fermes, dans des prés pâturés par les vaches laitières. Même centenaires ils ne perdent rien de leur splendeur d’antan, et plus ils vieillissent, plus ils sont productifs. Certains peuvent donner 500 kg de fruits et vivre 300 ans.
Et pourtant, quelques uns ont bien failli disparaître, abattus pour créer des champs de maïs ou être transformés ou brûlés.
La variété phare qui nous offre ce nectar est la poire « Plant de Blanc » qui est récoltée en septembre et octobre.
Si vous en ramassez une et que vous tentez de la manger….Bon courage !
Elle est immangeable en elle-même.
Elle confère pourtant au poiré ce parfait équilibre entre l’acidité et le sucre, l’amertume et l’astringence.
Le poiré jeune nous chatouille la langue, il est vif, droit, floral, un peu agrume et minéral parfois. Avec l’âge, il s’affine, se complexifie, tendant vers le miel, le fruit confit…
Mais alors comment fait-on le poiré ?
Et bien, tout simplement comme du cidre.
On récolte, on trie, on broie en septembre/octobre
On récupère le jus qu’on met en tonneau (ou maintenant dans des cuves). Le marc est ensuite répandu dans les vergers ou sert à nourrir les animaux.
On laisse fermenter 3 ou 4 mois et au printemps on le met en bouteille où il produira naturellement du CO2 et donc des bulles.
Cette boisson est limpide, de couleur jaune pâle à jaune doré. Son effervescence caractérisée par la finesse de ses bulles n'est pas agressive. Ce n’est pas pour rien qu’il est surnommé !
« CHAMPAGNE NORMAND ».
Il n’y a plus qu’à déguster, c’est pas plus compliqué que ça !!
Il s’agit d’une boisson naturelle, toute opération ayant pour effet de modifier la richesse naturelle en sucre des poires, des moûts ou des poirés est interdite à tous les stades de l'élaboration comme également la pasteurisation, l’adjonction d'eau ou de colorants.
Le poiré Domfront est élaboré par une trentaine de producteurs récoltants.
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