Au fil de mes recherches sur les traditions normandes : mœurs, modes de vie, patois bas-normand, et locutions normandes, j’ai amassé diverses expressions reprenant le mot goule, un terme que j’ai maintes fois entendu dans mon enfance et qu’en tant que bonne normande, j’emploie encore maintenant.
Voici quelques exemples d'utilisation de ce mot :
Quelqu’un qui "est de la goule" est quelqu’un qui est très gourmand.
On lui dit, alors quand il réclame par exemple encore et encore un gâteau, « t’es pas d’la goule té » et s’il abuse sur la goutte, il risque d’avoir "la goule de bois", et de se casser la "margoulette", c'est-à-dire tomber en se faisant mal à la goule (au visage) !
Si c’est quelqu’un qui exagère, qui parle beaucoup et en rajoute, on lui dira « t’as ben d’la goule »!
On dit d’une personne qui cache ce qu’elle pense réellement, qu’elle est une "goule pincée" et si elle a "la goule en coin", attention ! Méfiance ! C’est qu’elle est fourbe et hypocrite.
Si on vous dit : "t'as une bonne goule, té !", c'est qu'on vous trouve sympa !
Une personne déçue et qui fait la tête, fait alors une "goule d’enterrement".
Toutefois, si la personne est triste, elle a la "goule en lames de persiennes".
Chez les jeunes on dit qu’ils ont la "goule bianche" ou la "goule boutonnue" en parlant de l'acné.
Pour le physique, on dit d’une personne qui a une bouche saillante, qu’elle "est une goule bécue" (en forme de bec), si la lèvre inférieure est avancée de façon prononcée, on dit qu’elle "a la goule de casseau", mais si au contraire la bouche est rentrée, on dit que "c’est une goule de bonne femme" !
Les personnes qui ont une "goule piate" sont quelconque physiquement, elles n’ont aucun relief.
Et enfin une "goulette" est une "petite goule" : un enfant a une "belle petite goulette".
On dit que les filles du pays d’Alençon ont une "goule bisouse", c'est-à-dire qu’elles ont la mine fraîche et engageante.
Dans les maisons à faible revenus, on dit qu’on en "fait que pour la goule".
Quand une personne discute plus qu’elle ne travaille, on dit qu’elle en "abat plus avec la goule qu’avec les bras".
Et toi ? tu ferais trois lieues "la goule ouverte" pour te faire "laver la goule" ou plutôt pour "engouler" un bon verre de cidre bien "gouleyant", dont tu ne perdais pas une "goulée" ?
Mais voilà, beaucoup arrivent "la goule enfarinée", désappointés par un insuccès ou une mésaventure, pâles ou tristes, mais bien souvent, cela ne vaut pas la peine de "se tourner la goule à l’envers" pour si peu. Autant garder un grand sourire et donc avoir "la goule fendue" !
Une personne qui dit ce qu’elle a sur le cœur, "jette sa goulée", mais après, sans rancune elle "fera pas la goule".
Par contre si elle est vraiment de mauvaise humeur et qu’elle a mauvais caractère, on dit qu’elle "a la goule en biais" .
"Se torcher la goule o ren", peut être une expression synonyme de se pendre les dents au crochet ou encore : n’avoir rien à manger ou mourir. C’est assez pénible, surtout qu’en fait personne n’est pas "fainiante de la goule" et qu’on a toujours le temps d’avoir faim comme "une goule de bois".
Une personne qui amuse la galerie et fait beaucoup rire est un "tord-goule", parfois on dit que c’est un tord-nez, mais cela convient également aux personnes méprisantes et dédaigneuses, sans talents. Ce sera une personne qui aimera faire la fière avec les plus petits qu’elle et qui sera humble avec les plus grands.
Lorsqu’on laisse une maison portes et fenêtres ouvertes, on dit qu’on "laisse tout à goule-ouverte".
Connaissez-vous "la gouline" ? Ce terme est plus connu en Anjou ou dans la Sarthe, ce qui explique qu’il ait été utilisé dans l’Orne, région Alençon. Il s’agit d’un bonnet de nuit pour les femmes, qu’elles portaient aussi le jour quand elles étaient en deuil. C’était un petit bonnet tout simple, qui entourait la goule. Il s’attachait sous le menton
A Paris, il y a les « becs-fins », mais nous en Normandie, nous avons les « goules-fines » qui ne reculent devant rien, même si c’est cher la goulée.
Et j’ai gardé le meilleur pour la fin en vous parlant de la "Teurgoule" !
Il s’agit du nom d’un délicieux dessert normand qui proviendrait de l’expression « se tordre la goule » car au moment de la dégustation, on se tordait la bouche tant on avait hâte de le manger alors qu’il était encore très chaud.
En revanche, si on le mange froid, cela devenait pâteux ou sec et on se "tordait la goule" pour le manger !
La teurgoule fera l’objet d’un prochain post avec toute son histoire et…..sa recette pour toutes les "fines-goules" !
Et pour finir, j'espère que vous avez tous "la goule réjouie" après avoir lu ce post !
sources :
locutions normandes d' Emile Brière (1861-1924) -
mœurs et coutumes de Basse-Normandie de l'abbé Léonor Blouin - 1901
le patois normand de Robert le Prévost - 1882
etc...
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